FICHE TECHNIQUE
Titre original | La Belle Époque |
Année | 2019 |
Genre | Comédie dramatique |
Nationalité | Française |
Durée | 1h50 |
Réalisateur | Nicolas Bedos |
Scénariste | Nicolas Bedos |
Interprètes | Daniel Auteuil, Guillaume Canet, Doria Tillier, Fanny Ardant, Pierre Arditi, Denis Podalydès |
SYNOPSIS
Ancien dessinateur, Victor a le mal de son époque, son couple avec Marianne bat de l’aile et il se trouve dépassé par cette ultra modernité. Son fils lui offre une soirée organisée par Les Voyageurs du Temps, une entreprise qui propose une plongée dans une époque de son choix. Alors que la plupart des clients choisissent de passer une soirée avec Hitler ou au temps de Marie Antoinette, Victor, mis à la porte par Marianne, choisit alors de revivre la semaine de leur rencontre en mai 1974. Dans cette « mise en scène », Marianne est incarnée par Margot, une comédienne qui vit une relation compliquée et tumultueuse avec Antoine, le metteur en scène de cette reconstitution. Peu à peu, Victor va se prêter au jeu puis se perdre dans ses souvenirs reconstitués. Les relations comme les époques vont se mêler pour nous offrir une comédie de remariage doublée d’un conte moral qui jouent entre réel et fictif. Nicolas Bedos nous présente un film qui nous parle d’amour, de relations, de passé, dans lequel il insère des éléments inspirés de ses propres expériences, sur un fond ambiance années 1970.
GLORIFIER LE PASSÉ POUR RENDRE LA BEAUTÉ AU PRÉSENT
La Belle Époque évoque la nostalgie d’un passé qu’on ne peut que glorifier lorsque notre présent appelle au déclin, Nicolas Bedos évoque la perplexité ressentie face à l’évolution et le souhait de retourner à l’époque de ses meilleurs souvenirs. Le film part de ce constat : la nostalgie témoigne d’un mal-être, d’un manque de repères dans le présent. C’est cette souffrance morale qui fait que l’on cherche à s’évader dans ce que l’on a connu de plus rassurant, le film montre comme solution celle de se replonger, littéralement dans le passé.
Nicolas Bedos embarque ses spectateurs et les acteurs dans le souvenir heureux de Victor d’un jour de mai 1974. Et derrière l’hilarité et la rythmique de ce film entrainant qui nous fait découvrir l’ambiance des années 1970, La Belle Époque dévoile son côté cynique et profondément nostalgique où Nicolas Bedos révèle une vision moins positive de la vie, où la mélancolie vient en réalité de la perte de quelque chose.
Dans son film, il évoque les regrets, les moments que l’on aurait voulu changer, vivre différemment, les envies de revivre des jours autrement. Paradoxalement, un film que l’on aurait pu croire comme un hommage au passé et à « la belle époque », Nicolas Bedos nous présente en réalité une œuvre qui glorifie un présent qui finalement n’est pas si mal.
En effet, en se réfugiant dans le passé, on l’idéalise, en oubliant ses défauts, on finit par ne plus apprécier les plaisirs que peut nous procurer ce présent que l’on trouve peu séduisant ou peu rassurant. C’en est la leçon de La Belle Époque, si la nostalgie permet de s’évader un moment, elle est là pour aider à apprécier d’autant plus son présent, comme si nos souvenirs devenaient une occasion de profiter à nouveau et de penser un peu plus à ce que l’on a.
LA RENAISSANCE DE L'AMOUR POUR DEUX COUPLES À BOUT DE SOUFFLE
La Belle Époque entrelace les différents moments de vie de deux couples. Le film propose une forme moderne de comédie de remariage mêlée à une fable sur le temps qui passe, s’associant également au genre dramatique. On assiste aux épreuves que traversent ces deux couples, Nicolas Bedos nous dévoile comment la nostalgie intervient et affecte une relation qui dure depuis de longues années, il pose de nombreuses questions sur l’amour face à l’obstacle du temps, si le souvenir fait durer l’amour ou si l’amour entretient le souvenir. Et d’un autre côté il offre une vision du couple différente sur les relations plus jeunes, plus passionnelles, sur les relations destructrices lorsque l’amour obsessionnel devient trop étouffant.
Le premier couple est celui de Victor et Marianne, respectivement interprétés par Daniel Auteuil et Fanny Ardant. Marianne, fuyant vers la modernité par peur de vieillir, ne regardant plus son mari. Victor, lui, perdant le goût de vivre avec l’ère du numérique. Un fossé se creuse entre le couple, qui devient de plus en plus différent, à ne plus se supporter. L’âge, l’époque et les évènements ayant fini de les faire se mépriser, Victor quitte le domicile conjugal et va alors débuter l’expérience que lui a offert son fils, celle de revivre un jour dans le passé. Victor va alors s’engouffrer dans sa nostalgie des années 1970 et revivre la naissance de son histoire d’amour avec sa femme, jouée par une actrice, interprétée par Doria Tillier. Victor et Marianne prouvent la solidité de leur couple, malgré les épreuves, dont la rencontre a été si forte qu’elle permet de traverser les décennies et de les faire se retrouver.
Le deuxième couple est celui d’Antoine et de Margot. Antoine est le réalisateur des Voyageurs du Temps. Margot est une actrice, au début du film, on réalise qu’elle travaillait pour Antoine mais avait démissionné car il se comportait mal avec elle, elle finit par revenir dans son équipe, c’est elle qui interprétera Marianne jeune lors de l’expérience que va vivre Victor. Antoine et elle semblent vivre une relation tumultueuse, à enchainer les ruptures et réconciliations, et surtout à multiplier les disputes, tant sur les tournages qu’en dehors. Antoine voyant Victor idéaliser autant la Marianne dont il est tombé amoureux, celle interprétée par Margot, il décide de mettre fin à ces mises en scène et de récupérer celle qu’il aime pour sauver leur couple, en lui promettant de faire tous les efforts possibles.
La Belle Époque est une comédie dramatique moderne qui ne nous offre pas de happy end à proprement parler mais le film nous ouvre de nombreuses pistes de réflexions sur l’amour, le couple, le travail sur le couple et les obstacles à surmonter. Nicolas Bedos lève le voile sur des questions concernant des sujets universels. C’est par cette absence de « Tout est bien qui finit bien » qu’il insiste sur ce travail d’une vie qu’est l’amour et la relation entre deux personnes.
LA PATTE NICOLAS BEDOS
Nicolas Bedos a la faculté de transformer sa plume en pellicule mais pas seulement. On remarque également chez le réalisateur-scénariste-dialoguiste, véritable couteau-suisse du métier, une volonté de parcourir et d’ouvrir des pistes de réflexions et des questionnements universels de l’existence.
Dramaturge de grand talent, Nicolas Bedos marque par son narcissisme qu’il n’hésite pas à assumer, ni à mettre en scène comme ici dans La Belle Époque. Car évidemment Antoine, c’est Nicolas. Cet aspect narcissique et égocentrique du réalisateur est connu de tous dans le milieu du cinéma. Ainsi, c’est parce qu’il est conscient qu’il est clivant et que son image ne plait pas à tous que Guillaume Canet a été choisi pour incarner son personnage, plus avenant mais qui ne trompe personne.
Deux sujets que l’on retrouve dans l’œuvre de Nicolas Bedos sont la blessure narcissique et la séduction, impliquant toujours de sa part une mise en spectacle de ses propres travers dans un jeu d’auto-humiliation. Nicolas Bedos créé des personnages inspirés de sa propre personne, lorsqu’il ne les incarne pas lui-même, avec une tendance à insister sur ses défauts, dans la Belle Époque, Antoine est un réalisateur désagréable, trop exigeant, qui veut tout contrôler, sur le plateau comme dans la sphère privée, avec un côté séducteur faisant de lui un homme infidèle trompant sa petite amie à de nombreuses occasions. Nicolas Bedos prend plaisir à se voir ainsi diminué et insulté par le personnage de Margot par exemple. Ce spectacle cru de ses travers peut s’expliquer également par une volonté du réalisateur d’anticiper les jugements et les commentaires dissidents.
Ainsi l’égocentrisme Bedos prend place dans La Belle Époque, en faisant appel plus d’une fois à sa propre histoire et à sa propre rupture amoureuse avec Doria Tillier, interprète de Margot, ex petite amie et muse de Nicolas Bedos, rendant le film plus que réaliste. Cela expliquerait qu’il s’expose avec beaucoup plus d’émotion et de cœur, effaçant Bedos et mettant en lumière ses obsessions pour l’amour et le temps d’une façon plus captivante. Le réalisateur montre dans ce film ses fragilités avec beaucoup de sensibilité et de passion.
Énergisant et décapant, le film a le paradoxe de toucher un point sensible en chacun de nous avec une profonde grâce.
LA RÉPUTATION MÉRITÉE DU CINÉMA FRANÇAIS, DE LA MISE EN SCÈNE ET LA QUALITÉ DE SES TALENTS
La Belle Époque est un hommage au cinéma en nous montrant l’envers du décor. Ce film qui en reconstitue un autre à sa manière immerge ses spectateurs dans les coulisses de l’usine à rêves, approfondissant la complicité créée avec eux et les emmènent au-delà de la découverte d’une histoire d’un couple fragile ressassant le passé pour se retrouver.
Par l’intervention de Victor, le film met en scène un voyage dans le temps ultra réaliste. Il fait émerger une part de magie face à l’émerveillement constant de Victor et Antoine devant ce qui a pu être reconstitué. On y voit le pouvoir régénérant de la fiction, cette époque des années 1970 que le cinéma parvient à faire renaitre de ses cendres, le tout accompagné d’une musique d’époque. Nicolas Bedos aime les 70’s et sait les faire aimer. L’image est superbe, chaque scène semble être une carte postale à la grande qualité et aux couleurs vives et soignées.
Le réalisateur impressionne également par son sens du rythme rendant une œuvre qui tient en haleine par la virtuosité de sa mise en scène et de son montage. Enchainant différents fils de l’intrigue, Nicolas Bedos nous fait naviguer entre les époques et les couples sans se perdre par le biais des personnages principaux. Le scénario constitue un jeu entre réalité et virtualité palpitant superposant les histoires et jeux de rôles. On semble ainsi assister à un ballet maîtrisé mêlant avec grâce histoires d’amour et temporalités.
Nicolas Bedos parvient à écrire et réaliser l’amour fou sur grand écran avec beaucoup de talent, et s’entoure d’une distribution de grande qualité pour interpréter ses personnages.
Il faut avouer que Nicolas Bedos s’est entouré d’un casting irréprochable pour interpréter ses différents personnages. Comme on a pu le voir, il témoigne d’une grande anxiété et de nombreuses émotions qu’il a fallu retranscrire à l’écran, ce que ses acteurs semblent avoir fait avec justesse.
Guillaume Canet, représentant de Nicolas Bedos à l’écran, est convaincant par son agressivité professionnelle et en privé. Il touche par son intensité de jeu et offre une performance de réalisateur dur car torturé très juste.
Le charme de Daniel Auteuil dans une chétive introspection le rend très intéressant. Investi dans son rôle de ronchon ringard dépassé par la modernité, il rend cependant justice, même avec passivité, aux dialogues incisifs écrits par Nicolas Bedos.
La grande Fanny Ardant se fait plaisir dans son rôle entre émotion et séduction. Rendue service par son charisme naturel, elle illumine ses scènes faisant preuve de cynisme et de sa subtilité bien à elle. Elle trouve dans La Belle Époque un de ses très bons rôles depuis un moment.
Enfin Doria Tillier, dont le talent d’actrice se confirme de plus en plus après son rôle dans Monsieur et Madame Adelman, incarne un personnage qui lui va au mieux grâce aux émotions solaires qu’elle dégage. Sublimée par chaque mouvement de caméra, choix du regard amoureux d’Antoine ou de Nicolas Bedos, on ne sait pas, on ne peut qu’être émerveillé dès qu’on la voit, par sa prestance et sa personnalité.
On ressent déjà une grande alchimie entre les acteurs et leurs propres personnages, créée par le cinéma français lorsqu’il est bien fait, chaque acteur correspond bien au personnage qu’il interprète. Cela permet aux spectateurs d’assister à des prestations de qualité, ajoutant à la valeur du film dans sa généralité.
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